Marcel Dzama

En regardant ce dessin de Marcel Dzama, l’envie de paraphraser la citation du poète Arthur Rimbaud, « Je est un[e] autre » est tentante. La protagoniste semble se raconter des histoires sur ce qu’elle est ou sur ce qu’elle voudrait être et elle semble surtout accepter que les différentes facettes de sa personnalité ne se parlent pas toutes en même temps.

La légèreté n’est qu’apparente dans les dessins, collages, films, sculptures et dioramas de l’artiste canadien Marcel Dzama (1974-). Proche de l’illustration, son univers faussement naïf fait la part belle aux récits sombres voire macabres… Humour noir, violence et érotisme, ironie et cynisme, imprègnent ses compositions allégoriques aux couleurs éteintes. Dans les dessins à l’encre et à l’aquarelle qu’il privilégie dans sa pratique, des personnages déguisés, masqués ou armés, se bousculent sur la page blanche et cohabitent avec une faune sauvage et une flore anthropomorphe. Saynètes après saynètes, le monde fantasmagorique et surréaliste qu’il crée titille l’imagination… “J’essaie de ne pas me censurer,” explique l’artiste.

Copyright © 2020, Zoé Schreiber

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Kerry James Marshall

Kerry James Marshall, SOB SOB, acrylic on fiberglass, 274.3x182.9cm, 2003

La jeune femme assise à même le sol semble en proie à des sentiments contradictoires, sentiments peut-être suscités par la lecture du livre posé à ses côtés... Le mot “Sob” (sanglot), inscrit dans les deux bulles qui flottent au-dessus de sa tête, raconte l’émotion, voire la colère ressentie... Cette oeuvre de Kerry James Marshall nous parle d’introspection certes mais aussi d’accès au savoir. La bibliothèque qui sert de toile de fond au tableau et les titres qui y figurent ont, pour la plupart, trait à l’histoire afro-américaine.

Artiste phare de sa génération, l’américain Kerry James Marshall (1955-) interroge la représentation des noirs dans l’histoire de l’art et n’a de cesse, pour citer librement l’écrivain Ralph Ellison, de mettre en scène celles et ceux que l’on côtoie mais que l’on “ne voit pas”. Sa pratique protéiforme s’articule autour de peintures monumentales, de dessins, de bandes-dessinées et de sculptures. En accentuant l'ébène de la couleur de peau de ses personnages, il souligne la tension entre visibilité et invisibilité, entre absence et présence.

Copyright © 2020, Zoé Schreiber

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Michaël Borremans

Michaël Borremans, Red Hand, Green Hand, 40x60 cm, oil on canvas, 2010

Michaël Borremans, Red Hand, Green Hand, 40x60 cm, oil on canvas, 2010

Deux mains aimantent notre regard et attisent notre méfiance et notre suspicion. Suspendues à plat et enduites de couleurs complémentaires jusqu’au poignet, la main rouge et la main verte sont en dualité logique... Le rouge sang semble évoquer le danger pour ne pas dire la mort tandis que le vert invoquerait un élan de vie, une sorte de renaissance. La tension qui se dégage du tableau fait immanquablement écho à la conjoncture actuelle.

Les tableaux, dessins et films de l’artiste belge Michaël Borremans (1963-) sont à la fois atemporels et énigmatiques et son univers hallucinatoire est à bien des égards troublant. S’il s’inspire de l’histoire de l’art et peint dans le sillage de Manet, Courbet, Velázquez et Goya, il se dégage de sa pratique à la précision photographique une sensibilité très contemporaine. Ses oeuvres figuratives s’apparentent à des scènes de théâtre où il nous livre par bribes les différents actes de la pièce qui se joue. Pour le citer: “une bonne œuvre d’art n’est ni une réponse ni une question. Une bonne œuvre est un nœud.” 


Copyright © 2020, Zoé Schreiber

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