Telle une fleur, la main semble s’extraire pour ne pas dire se libérer de la porte en fer forgé... dedans/dehors... Une main tendue vers l’extérieur certes mais une main rattachée à un corps enraciné à l’intérieur, une main rattachée à un corps invisible, à un corps arrimé de l’autre côté du miroir... Si cette main est celle d'Helena Almeida, artiste portugaise majeure du XXeme siècle, elle pourrait être celle d’une femme lambda...
Cette image, simple et poignante à la fois, est plus parlante que le mot en cette période de confinement imposée par l’épidémie de Covid-19. Le cliché, réalisé en 1977, s'intitule "Etude pour deux espaces [Estudo para dois espaços]" et raconte l'isolement du Portugal pendant les années de dictature.
Plans resserrés sur différentes parties du corps, jeux d'ombres et de regards, travail sur le mouvement et la séquence... Les oeuvres d'Helena Almeida (1934-2018) brouillent les pistes entre la photographie, la performance et la peinture. L'artiste a représenté le Portugal à deux reprises à la Biennale de Venise et son travail a fait l’objet de rétrospectives au Jeu de Paume et au Wiels entre autres. Dans une de ses séries les plus connues, Peinture Habitée, Helena Almeida repeint par endroits ses auto-portraits de bleu Klein, une façon de construire et d'occuper un espace d'expression qui lui est propre, de dépasser les limites du cadre pictural mais aussi, peut-être de s'affranchir d'un carcan sociétal. « Ma peinture est mon corps, mon corps est mon oeuvre » se plaisait-elle à dire.
Copyright © 2020, Zoé Schreiber