L’espace de la galerie Michel Rein baigne dans une lumière bleutée. Une fois le seuil franchi, une barque en néon nous invite à prendre le large et immerge le visiteur dans une ambiance à la fois étrange et feutrée. L’effet visuel est d’autant plus hypnotisant à la tombée de la nuit… Dessiné au néon d’un trait naïf et enfantin, Barco, le bateau, vogue sur l’un des murs et donne le titre à l’exposition d’Enrique Ramírez, artiste chilien nominé au prix Marcel Duchamp 2020.
L’accrochage explore la thématique du voyage et convoque en filigrane l’histoire politique et sociale du Chili. Si dans ses oeuvres précédentes, Enrique Ramírez centrait son travail sur la mer comme métaphore pour penser l’exil et la mémoire, dans Barco son objectif se resserre autour de la symbolique du bateau.
Embarcation onirique par définition, le bateau est omniprésent et, s’il incarne l’invitation au voyage, la promesse d’une aventure ou d’un nouveau départ, il est aussi synonyme de tempête, d’instabilité, voire de naufrage… Enrique Ramírez joue sur cette polysémie et nous livre des impressions pointillistes qui font toutes allusion à la réalité de l’exil et au climat d’incertitude politique et économique qui caractérise son pays d’origine.
Né à Santiago en 1979, Enrique Ramírez y étudie la musique et le cinéma avant d’intégrer Le Fresnoy - Studio National des Arts Contemporains à Tourcoing en France. En 2014, il remporte le prix Découverte des Amis du Palais de Tokyo et participe à la Biennale de Venise en 2017.
Sa fascination pour l’univers marin s’explique tant par son vécu et son histoire personnelle que par la géographie atypique du Chili. Son père est fabricant de voiles pour bateau, un savoir-faire auquel le plasticien fait référence dans sa pratique artistique et notamment dans la vidéo Mar, la fin prévue (2019), que l’on peut découvrir dans le cadre de l’exposition. Enrique Ramírez filme en gros plan sur un fond noir une bobine pour machine à coudre blanche. Le fil se déroule et, avec lui, le mot “mar” (mer), inscrit au feutre indélébile, s’efface progressivement… La vidéo évoque l’atmosphère d’un atelier de confection mais nous parle également du lien à la mer, inscrit au plus profond de la psyché chilienne.