NEWSLETTER • 2 JUILLET 2022

ÉDITORIAL • 2 JUILLET 2022

Le revirement est historique. Le 24 juin dernier, la Cour suprême américaine, majoritairement acquise à la droite conservatrice, a statué et décidé que la législation sur l’avortement ne relevait pas de l’Etat fédéral mais des États fédérés. La plus haute instance judiciaire américaine a, par voie de conséquence, entériné l’abrogation de l’avortement au niveau constitutionnel et renvoyé les États-Unis à la situation en vigueur avant l'arrêt emblématique "Roe v. Wade" de 1973. Chaque état peut à nouveau légiférer comme il l’entend et décider d’autoriser ou d’interdire le recours à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) sur son territoire. Le changement de la jurisprudence américaine fait craindre, par effet de ricochet, un retour de manivelle sur le Vieux Continent. La réflexion de Simone de Beauvoir qui enjoint à ne jamais oublier “qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question” reste, aujourd’hui encore, plus que jamais d’actualité. L’oeuvre de Sam Durant rappelle, quant à elle, que dans un monde idéal, on ne devrait pas remettre en question les acquis du passé et seulement se préoccuper d’aller de l’avant.

L’enclave espagnole de Melilla a été le théâtre d’un épisode tragique en fin de semaine dernière. Située en territoire marocain, Melilla est, avec l’enclave de Ceuta, l’une des seules frontières terrestres entre l’Afrique et l'Union européenne. Si les tentatives de passage en force de migrants font régulièrement la une des journaux, celle du 24 juin dernier a été particulièrement meurtrière. Plus d’un millier de migrants d’origine sub-saharienne ont tenté de franchir illégalement l’imposant rempart de barbelés pour pénétrer dans la “forteresse” Europe. Les affrontements d’une extrême violence, tant du côté marocain que du côté espagnol, on fait à ce jour une trentaine de victimes et des centaines de blessés. À la lumière de la tragédie de Melilla, le diptyque d’Agnès Thurnauer et, a fortiori, la césure du mot “frontière” en anglais (“border”) nous incite à nous souvenir que si les frontières séparent et démarquent un état d’un autre, elles peuvent aussi, quand elles sont militarisées et utilisées à des fins anti-migratoires, tuer.

Bel été à vous qui avez pris le large, bel été à vous pour qui l’ailleurs est ici. Restez curieux et bonne lecture!

Zoé Schreiber

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