Alain Séchas

Si les beaux jours ne se profilent que timidement à l'horizon, les toiles et vignettes vitaminées du plasticien français Alain Séchas (1955-), exposées à la galerie Albert Baronian, nous proposent une bouffée de bonne humeur et de fraîcheur printanière.

L'univers artistique d’Alain Séchas n’est pas sans rappeler l’esprit satirique du dessin de presse, de la caricature et de la bande dessinée. Le chat est la figure emblématique de son travail. Un chat qu’il substitue à la figure humaine, un chat filiforme et anthropomorphe qui agit comme le feraient les gens dits ordinaires et qu’il décline sous toutes ses formes en le mettant en scène avec dérision. Son personnage félin lui permet de saisir l’air du temps et d'amener le spectateur à une réflexion humoristique sur son quotidien.

Alain Séchas, 'MAJORETTE', vue d'exposition, Galerie Albert Baronian. Image courtesy: Galerie Albert Baronian. Photo credit: Isabelle Arthuis

Alain Séchas, 'MAJORETTE', vue d'exposition, Galerie Albert Baronian. Image courtesy: Galerie Albert Baronian. Photo credit: Isabelle Arthuis

Sa pratique est ancrée dans le dessin, dessin qu'il transforme ensuite en peintures, en installations ou en sculptures, à l'instar de La Cycliste de Bruxelles, née d’une commande publique de la ville en 2005 que d’aucuns d’entre vous ont peut être déjà croisée aux abords des galeries Saint-Hubert... Après avoir privilégié un temps l'abstraction, les tableaux grand format et œuvres sur papier à découvrir dans l’exposition intitulée MAJORETTE illustrent un retour à la figuration.

Ses créatures surgissent d’une simple ligne noire tracée de façon rapide et incisive sur une feuille de papier. Esquissés du bout de son pinceau en quelques traits déliés, ses personnages à tête de chats s’animent sur des fonds aux tonalités pop et toniques. Les figures qui peuplent l’accrochage sont presque exclusivement féminines et, force nous est de constater que la vision de la femme mise en avant est à bien des égards stéréotypée. Croquées dans leurs lieux de vie, les silhouettes élancées, aux petits visages mangés par deux yeux ronds stupéfaits, vaquent à leurs occupations domestiques sans sembler se poser trop de questions. Certaines d’entre elles conduisent, font du ski, de la plongée, font tourner un bâton de majorette… Référencée dans l’intitulé, la majorette évoque non seulement la meneuse de revue qui anime spectacles et défilés mais aussi la célèbre marque française qui enchante amateurs et collectionneurs d’automobiles miniatures et drape l’exposition dans une ambiance ludique.

Alain Séchas, 'MAJORETTE', vue d'exposition, Galerie Albert Baronian. Image courtesy: Galerie Albert Baronian. Photo credit: Isabelle Arthuis

Alain Séchas, 'MAJORETTE', vue d'exposition, Galerie Albert Baronian. Image courtesy: Galerie Albert Baronian. Photo credit: Isabelle Arthuis

Les plages de couleurs bleues, jaunes, rouges, oranges, vertes, roses et grises dialoguent et s’imbriquent les unes dans les autres à la manière d'un patchwork… La saturation des arrière-plans fait place dans deux autres tableaux et dans une séquence d'œuvres sur papier (exposée dans une pièce au fond de la galerie) à une palette bleutée. Souvent représentées seules, de face ou de dos, les créatures hybrides sont figées dans un moment d’introspection qui fait penser aux plans cinématographiques. Comme l’explique le critique d’art et commissaire d’exposition Patrick Javault : “Depuis qu'il se fait passer pour peintre, Alain Séchas n'a jamais paru aussi proche du cinéma. Il dispose des taches, des blocs de couleur avec un sens de l'harmonie, et leur donne de l'élan et de la vitesse par le trait (de plus en plus libre et relâché) comme d'autres accordent des images et des sons. Ses chats restent son idiome, sa façon à lui de nous faire partager son joyeux effarement. Dessin et peinture travaillent ensemble et échangent parfois leur rôle, produisant l'équivalent de l'harmolodie d'Ornette Coleman, maître en liberté toutes catégories.

En chroniqueur d’aujourd’hui, il déploie son humour décalé dans une série de dessins réalisés au feutre Posca acrylique. Son style télégraphique réunit tous les éléments d’une bonne blague dont la chute se cristallise en deux, trois mouvements de marqueur… 

Alain Séchas parvient à créer un rapport immédiat avec le visiteur grâce au ton léger et humoristique de ses avatars. Les œuvres présentées permettent de suivre les pérégrinations de ses "chats" à deux pattes, protagonistes allégoriques à prendre au second degré et qui font écho à notre moment présent. Après tout, “l’humour peut dire quelque chose de la réalité dans laquelle nous vivons et reprendre ainsi une position morale tout en restant ludique.

Dans le deuxième espace de la galerie, situé au 33 Rue de la Concorde, c’est le photographe français Eric Poitevin (1960-) qui est mis à l’honneur. Sa nouvelle série de photographies propose une interprétation contemporaine d'un herbier. Scénographiées sur fond blanc dans son atelier, ces "natures mortes" s’apparentent à des dessins d’observation et sont une invitation épurée et poétique à accueillir le printemps. 

Notons également que le 31 mars, Albert Baronian ouvre, en collaboration avec la galeriste liégeoise Yoko Uhoda, un espace à Knokke-Le-Zoute. Apertura, l’exposition inaugurale, sera consacrée à la peinture abstraite américaine et mettra en exergue des toiles de Marina Adams, Sam Falls, Amy Feldman, Ron Gorchov, Changha Hwang, Larissa Lockshin, Joseph Marioni et Stanley Whitney.

 

Alain Séchas, MAJORETTE, Galerie Albert Baronian, 2 Rue Isidore Verheyden, B-1050, Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 14 avril 2018.

Eric Poitevin, Galerie Albert Baronian, 33 Rue de la Concorde, B-1050, Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 14 avril 2018.

Apertura : group show with Marina Adams, Sam Falls, Amy Feldman, Ron Gorchov, Changha Hwang, Larissa Lockshin, Joseph Marioni, Stanley Whitney, Galerie Albert Baronian - Yoko Uhoda Knokke, Zeedijk 731, Het Zoute, 8300 Knokke-Heist, Belgique. Du 31 mars jusqu'au 13 mai 2018.

Copyright © 2018, Zoé Schreiber 

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James Casebere, 'Emotional Architecture', Galerie Templon

C'est en terre mexicaine que la galerie Templon nous convie ce mois-ci. Intitulée Emotional Architecture, l'exposition met à l'honneur James Casebere, photographe américain qui situe sa pratique à la confluence du cinéma, de l'architecture, de la sculpture et de l'art conceptuel. La série de photographies grand format présentée s'inspire de l'œuvre de l'architecte mexicain Luis Barragán (1905-1988), l'une des figures majeures de l'architecture du XXème siècle, dont l'esthétique austère privilégie la couleur, l'ombre et la lumière. Le concept d'"architecture émotionnelle" (une architecture qui prend en compte le ressenti des visiteurs) figure au cœur de cette exposition éponyme et les photographies exposées révèlent la dimension artistique et poétique du travail architectural de Luis Barragán.

James Casebere, 'Emotional Architecture', Galerie Templon, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Templon

James Casebere, 'Emotional Architecture', Galerie Templon, vue d'exposition.
Image courtesy: Galerie Templon

James Casebere (1963-) appartient au courant de la photographie dite de mise en scène ("staged photography"). Si cette mouvance regroupe des artistes comme Jeff Wall et Gregory Crewdson, c'est aux photographes belge et allemand, Philippe de Gobert et Thomas Demand que le travail de James Casebere s'apparente le plus. En effet, comme eux, il réécrit le réel à partir de maquettes et documente une réalité souvent inventée et construite de toute pièce.

Cela fait une trentaine d'années que James Casebere scénographie sa réflexion sur l'espace et sa passion pour l'architecture. Aucune présence humaine ne trouble la rigueur des espaces qu'il photographie mais la taille de ses clichés et leur profondeur de champ donnent au spectateur la sensation d'entrer de plain-pied dans les lieux. Lesdits lieux ne sont d'ailleurs qu'une reconstitution réalisée en studio: sa démarche consiste à construire une maquette qu'il sculpte dans des matériaux tels que le carton, le papier, la mousse ou le plastique. La maquette lui permet de jouer sur la perspective et l'échelle et il ne la photographie qu'une fois mise en scène et transformée par l'éclairage. Cette image photographique n'est que la photographie d'une fiction et permet à l'artiste d'explorer, pour ne pas dire de brouiller, les frontières entre réel et illusion. 

James Casebere, 'Emotional Architecture', Galerie Templon, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Templon

James Casebere, 'Emotional Architecture', Galerie Templon, vue d'exposition.
Image courtesy: Galerie Templon

L'exposition marque un tournant dans l'œuvre de James Casebere et ne ressemble guère aux photographies présentées au Palais des Beaux-Arts BOZAR en 2016. En effet, si la luminosité mystérieuse des tirages convoque encore et toujours souvenirs et émotions, les lieux austères, à caractère politique et social (cellules de prisons, écoles...) photographiés en noir et blanc et les photographies aériennes de banlieues idylliques aux couleurs pastel, ont fait place à des lieux aux couleurs saturées. Comme l'explique James Casebere: "Je voulais créer un espace contemplatif, paisible et beau, un espace qui n'évoquerait aucune idée d'enfermement.

Une dizaine de photographies inédites sont à découvrir dans l'exposition Emotional Architecture. James Casebere nous immerge littéralement dans les réalisations les plus emblématiques (la Casa Barragàn, la Casa Galvez, la Casa Prieto-Lopez, la Casa Gilardi...) de l'architecte mexicain et rend hommage par ce bias à la sérénité et à la majesté qui se dégage de son architecture à la fois épurée, élégante et graphique. Les photographies sont comparables à de très grandes toiles et, en dépouillant les intérieurs de tout élément décoratif (meubles, objets, œuvres d'art, escaliers sont absents), le plasticien attend du spectateur qu'il fasse confiance à sa mémoire ou à son intuition pour combler les vides. 

Si l'illusion est parfaite dans certaines images, dans d'autres, le vrai faux gazon, la fluidité trop plastique de l'eau et le rendu artificiel d'un arbre trahissent l'illusion du réel... Tout a l'air vrai mais n'est que ressemblant. Bien que proches de la réalité, les images-tableaux à l'indéniable beauté déstabilisent et suscitent un sentiment d'étrangeté. 

Dire le vrai par le faux est l'une des stratégies du réalisme contemporain et James Casebere, en architecte de l'image, questionne notre perception du réel: il ne le reproduit pas mais l'interprète. Le visiteur est amené à mettre en doute ce qu'il regarde et ce qu'il voit et à s'interroger sur la nature et le processus de construction des images.

 

James Casebere, Emotional Architecture, Galerie Templon, Rue Veydt, 13A, B-1060, Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 14 avril 2018.

Copyright © 2018, Zoé Schreiber

Thomas Struth, Galerie Greta Meert

Pour fêter ses 30 ans d'activité, Greta Meert a choisi de mettre à l'honneur le photographe allemand Thomas Struth (qui avait inauguré la galerie en 1988) en lui offrant une nouvelle exposition personnelle, la huitième. 

Aujourd'hui mondialement connu, Thomas Struth (1954-) réalise ses images à la chambre photographique. Cet appareil confère à ses tirages monumentaux une profondeur de champ exceptionnelle et une grande netteté. L'exposition occupe les trois étages de la galerie et permet de (re)découvrir les œuvres phares de l'artiste mais aussi de se familiariser avec ses travaux les plus récents. 

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Si la démarche artistique de Thomas Struth s'apparente à celle de "l'école du regard" de Bernd (1931-2007) et Hilla Becher (1934-2015) dont il a été l'élève à la Kunstakademie de Düsseldorf (séries thématiques, réalisme et neutralité des sujets photographiés, attention au détail et frontalité du cadrage), ses clichés se démarquent du mouvement de la photographie dite objective dans la mesure où il les investit d'un contenu symbolique et social. Photographier est pour lui "essentiellement un processus intellectuel pour comprendre les gens, les lieux, leur histoire et leurs liens phénoménologiques." 

Au troisième étage de l'espace d'exposition, une trentaine de clichés emblématiques (datant des années 70-80) sur l'architecture des villes et des banlieues: les rues et places désertes de Naples, Rome, Düsseldorf, New York et Tokyo sont offertes à notre regard. Réalisées au petit matin, ces photographies en noir et blanc proposent une représentation de la ville où l'homme est absent. Les œuvres exposées sont dépeuplées mais elles sont remplies d'humanité et nous encouragent à méditer sur la façon qu'a l’architecture d'absorber et de retenir l’histoire… L’absence de présence humaine cumulée à l'uniformité du ciel et des conditions météorologiques permettent à Thomas Struth de disséquer chaque détail de l'espace urbain pour mieux en révéler les singularités et de mettre ainsi en lumière ce qu'il appelle les "lieux de l'inconscient". 

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Autre atmosphère au rez-de-chaussée... L'impression d'être propulsé dans le temps, dans une réalité alternative, nous envahit face aux cinq photographies de très grand format. Immersives, ces images sont intimidantes voire anxiogènes. A l’instar du travail du photographe américain Lewis Baltz, que d'aucuns d'entre vous ont peut-être découvert au MAC's du Grand Hornu au printemps dernier (Sites of Technology, 1989-91), Thomas Struth pousse la porte d'espaces qui ne sont d'habitude pas accessibles au public (Johnson Space Center de la NASA à Houston, laboratoires d'essais de Siemens à Berlin...). L’éclairage artificiel, l'entrelacement de fils électriques colorés, de tuyaux, de circuits et de câbles révèlent les organismes internes de sites techno-scientifiques. Thomas Struth nous incite à réfléchir sur les relations que nous entretenons avec les sciences et les technologies de pointe et attire notre attention sur la complexité des structures cachées de contrôle et d'influence... Comme il l’explique: "Depuis la fin des années 60, si la technologie a de plus en plus d'incidence sur nos vies, elle devient aussi de plus en plus opaque et invisible..." 

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, vue d'exposition. Image courtesy: Galerie Greta Meert

Enfin, les photographies exposées au deuxième étage nous invitent à regarder la mort en face. Les cadavres d'animaux mis en scène dans cette toute nouvelle série (2016-) ont été immortalisés à l'Institut Leibniz de recherche en zoologie et en faune sauvage de Berlin. Ces clichés s'apparentent aux natures mortes de la Renaissance et semblent défier la gravité... Mort de cause naturelle, comme l'indique une notice à l'entrée de la salle, chaque animal a l'apparence du vivant et le rendu est à la fois sublime et troublant. L'artiste dit avoir "tenté de représenter les animaux de la façon la plus belle et la plus digne". La série, qui n'est pas sans rappeler le travail du photographe français Eric Poitevin, s’inscrit dans la tradition picturale du memento mori dont l'objectif est d'amener le spectateur à se souvenir de sa propre mortalité. Thomas Struth, qui, avant d'être photographe s'était essayé à la peinture sous l'égide de Gerhard Richter, revisite ce genre de l'histoire de l'art et continue à approfondir le dialogue entre photographie et peinture initié lors de sa série sur les musées (Museum Photographs). 

Dans ses mains, l’appareil photo devient un outil d'observation analytique. L'exposition montre, si besoin est, que Thomas Struth n'a de cesse de brouiller les pistes entre la photographie documentaire et conceptuelle, entre la rigueur de la "vérité" et le regard subjectif qu'il porte sur le réel.

 

Thomas Struth, Galerie Greta Meert, Rue du Canal 13, B-1000 Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 31 mars 2018.

Copyright © 2018, Zoé Schreiber

Kehinde Wiley, 'Lit', BOZAR

A l'issue de son mandat à la Maison Blanche, chaque président américain peut choisir l'artiste auquel il souhaite confier la réalisation du portrait présidentiel qui figurera à la National Portrait Gallery du Smithsonian de Washington. En choisissant Kehinde Wiley et en dérogeant par voie de conséquence à la tradition qui voulait que, depuis George Bush père, cette tâche soit déléguée au peintre Everett Raymond Kinstler (1926-), Barack Obama innove. Son choix est à la fois historique et audacieux dans la mesure où le premier président afro-américain a choisi un artiste noir issu de la culture hip-hop. Le portrait d'Obama sera dévoilé ce lundi 12 février et, hasard du calendrier, BOZAR, en collaboration avec la galerie Templon, nous invite à aller à la découverte de l'une des facettes du travail de cet artiste iconoclaste.

Né en 1977 à Los Angeles d'un père nigérian et d'une mère afro-américaine, Kehinde Wiley vit à New York. Diplômé de la prestigieuse université de Yale, il participe en 2001 à la résidence d'artiste du Studio Museum de Harlem où il peaufine sa démarche. Il s'inspire des portraits de grands maîtres (David, Rubens, Memling, Ingres, Sargent...) qu'il se réapproprie en remplaçant les bourgeois et les têtes couronnées par de jeunes hommes noirs ou métis rencontrés dans la rue à qui il demande de choisir les poses qu'il reproduira dans ses tableaux. Sa signature visuelle est facilement reconnaissable: sur fond de papiers peints fleuris, l'esthétique baroque à la limite du kitsch de ses portraits hyperréalistes renverse les canons de l'histoire de l'art et interroge les représentations du pouvoir, de l'identité raciale et sexuelle sans pour autant renier une certaine fascination pour le bling bling et les signes extérieurs de richesse. En proposant une histoire où l'imagerie n'est pas dominée par l'homme blanc, il questionne l'exclusion de l'homme noir dans l'Histoire.

Installées comme dans une chapelle dans l'une des salles du Palais des Beaux-Arts, les cinq oeuvres présentées sont monumentales et impressionnent tant par leur taille que par la lumière qu'elles irradient. Il s'agit de vitraux inspirés de ceux de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867) réalisés entre 2014 et 2016 par des artisans tchèques. 

Kehinde Wiley, 'Lit', vue d'exposition, BOZAR. photo: Zoé Schreiber

Kehinde Wiley, 'Lit', vue d'exposition, BOZAR. photo: Zoé Schreiber

Fidèle à ses convictions, Kehinde Wiley, qui explore ici l'iconographie religieuse dans le style des maîtres de la Renaissance, met encore et toujours en scène des héros noirs ou métis rencontrés lors de castings de rue. En faisant poser ses héros anonymes dans leurs propres vêtements, parés de tous les atours de la culture urbaine (baskets, casquettes, vestes de jogging, t-shirts et jeans baggy ou troués), il utilise les codes de la peinture européenne qu'il détourne et ses modèles sublimés deviennent les acteurs à part entière de l'histoire racontée. 

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Têtes hautes, visages graves et sereins, leur regard est expressif, à la fois appuyé et fier, mais on les sent vulnérables. La série s'articule autour du thème du Christ et de sa relation avec la Vierge Marie. Les personnages représentés sont nos contemporains et ont tous une dimension humaine. La Vierge Marie est un homme en chaussettes blanches et tenue de sport qui tel une Pietà porte à bout de bras son fils mort mais aussi une jeune mère au bras tatoué qui porte l'enfant Jesus représenté en fillette. Une fois garçon, une autre fois fille, la représentation nous amène à réfléchir sur la question du genre et de la masculinité. A l'instar de ses peintures, Wiley sature ses vitraux de couleurs et d'ornements.

A l'entrée de l'exposition, on peut visionner le documentaire An Economy of Grace (2014) qui retrace la réalisation des premiers portraits féminins du peintre.

Éminemment politique, l'oeuvre du portraitiste Kehinde Wiley ne laisse pas indifférent et l'Amérique qu'il nous donne à voir est loin d'être unidimensionnelle. Comme il l'explique: "tout ce que je fais s'inscrit dans un contexte politique et racial. Pas toujours par parti-pris ou parce que je le conçois ainsi, mais plutôt en raison du regard que les gens portent sur le travail d'un artiste afro-américain dans ce pays."

Kehinde Wiley, 'Lit', BOZAR/Palais des Beaux-Arts, Rue Ravenstein 23, B-1000 Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 29 Avril 2018. Entrée libre.

Copyright © 2018, Zoé Schreiber


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