George Shaw, 'The Lost of England', Galerie Maruani Mercier

Les toiles et la sélection de dessins de George Shaw que présente la galerie Maruani Mercier, racontent avec réalisme et précision la spécificité anglaise des paysages post-industriels de Tile Hill, une banlieue ouvrière de Coventry. L'artiste britannique, nominé pour le prestigieux Turner Prize en 2011, promène son regard le long des rues et ruelles des lotissements de logements sociaux qui l'ont vu grandir dans les années 70 et traduit avec une certaine nostalgie l'atmosphère qui a bercé son enfance. L'exposition intitulée The Lost of England ("Les laissés-pour-compte de l'Angleterre") fait référence au Brexit et propose une réflexion sur le souvenir et sur le temps qui passe. 

George Shaw, The Lost of England, Galerie Maruani Mercier, vue d'exposition. Image courtesy Galerie Maruani Mercier

George Shaw, The Lost of England, Galerie Maruani Mercier, vue d'exposition. Image courtesy Galerie Maruani Mercier

Les tableaux sont réalisés à l'émail Humbrol, une peinture prisée par les maquettistes et dont quelques pots sont alignés sur le comptoir à l'entrée de la galerie. D'une minutie extrême, les toiles ont une brillance qui rappelle celle des tirages photos sur papier glacé et le rendu des couleurs est à la fois riche et intense. 

L'accrochage déroule, façon "travelling" cinématographique, des paysages urbains sinistrés voir délabrés. Bien que la démarche de l'artiste s'apparente à celle des cinéastes du "Kitchen Sink," (un genre socio-naturaliste des années 50-60 qui décrit le désenchantement et les frustrations des classes laborieuses), on a le sentiment que George Shaw a pris un réel plaisir à reproduire, en s'inspirant de la centaine de clichés qu'il photographie lors de chacune de ses promenades, les ruelles désertes, les rangées de garages, les terrains de foot abandonnés, les parcs jonchés de détritus... Jamais explicite, la présence humaine se devine en filigrane: un ballon abandonné, l'ombre projetée d'une silhouette, une antenne parabolique, des graffitis sur des façades ou encore des feuilles mortes piétinées.

Le temps paraît figé sous son pinceau et un air de mystère plane sur l'apparente banalité des sujets et des lieux qu'il immortalise. Une peinture particulièrement énigmatique que je vous invite à aller découvrir sur place, s'inspire de L'empire des Lumières (1954) de René Magritte pour magnifier un sujet des plus prosaïques: la bâtisse éclairée de toilettes publiques sur le bord d'une aire d'autoroute...

John Atkinson Grimshaw

A l'instar de son compatriote, le peintre de l'époque victorienne John Atkinson Grimshaw (1836-1893), George Shaw est sensible aux variations de la lumière et aux différences chromatiques selon les heures de la journée. La couleur des ciels varie du bleu cyan au gris taupe en passant par le beige et le rose pâle... On ne sait si la nuit vient de tomber ou si le soleil est sur le point de se lever.

Un arc-en-ciel sert de trait d'union entre un duo de peintures qui dévoile la vue de la chambre qu'occupe l'artiste lorsqu'il séjourne à Tile Hill. Les pavillons avoisinants sont situées en lisière de forêt, forêt qui a inspiré la série de toiles et de dessins à l'aquarelle réalisée lors de sa résidence à la National Gallery à Londres. On peut découvrir certains desdits dessins dans l'exposition qui nous occupe.

Les lieux inhabités invitent le visiteur à se projeter dans les décors mélancoliques. Le plan ressérré d'un appartement, dont l'unique fenêtre est occultée par la croix de saint Georges du drapeau anglais, semble faire allusion au risque d'aveuglement et de repli sur soi qu'engendre fatalement le nationalisme.

George Shaw, The Man Who Would Be King, 2017, humbrol enamel on canvas, 46 x 55 cm. Image courtesy the artist and Galerie Maruani Mercier

George Shaw, The Man Who Would Be King, 2017, humbrol enamel on canvas, 46 x 55 cm. Image courtesy the artist and Galerie Maruani Mercier

L'exposition illustre le sens aigu de l'observation et l'attachement sentimental que George Shaw éprouve pour le quartier de son enfance et son exploration urbaine est tant spatiale que temporelle. 
 

George Shaw, 'The Lost of England', Galerie Maruani Mercier, 430 Avenue Louise, B-1050, Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 3 octobre 2017.

Copyright © 2017, Zoé Schreiber

Wilmer Wilson IV, 'Fire Bill's Spook Kit', In Flanders Fields Museum, Ypres

Fire Bill's Spook Kit, l'exposition que présente l'artiste américain Wilmer Wilson IV au In Flanders Fields Museum d'Ypres, ravive un récit relégué en marge de l'histoire de la Première Guerre mondiale. Les oeuvres exposées jusqu'au 7 janvier prochain mettent en lumière le triste sort réservé aux soldats Noirs américains à leur retour aux Etats-Unis. Huit sculptures, dont une monumentale, honorent la mémoire d'une vingtaine d'entre eux qui, victimes de l'intolérance et de la violence raciale endémique de l'époque, furent lynchés au lendemain de la guerre. 

L'exposition coïncide avec le centenaire de l'entrée des Etats-Unis dans la "Grande Guerre" et est le fruit des recherches menées par Wilmer Wilson IV, né en 1989 à Richmond en Virginie, lors de sa résidence au In Flanders Fields Museum cette année. A l'instar d'autres artistes afro-américains tels Mark Bradford, Kara Walker, Glenn Ligon, pour ne citer qu'eux, Wilmer Wilson IV propose au visiteur de découvrir une page sombre de l'histoire américaine.

Wilmer Wilson IV, Study for Measures Not Men, 2017. Image courtesy the artist and Connersmith Gallery

Wilmer Wilson IV, Study for Measures Not Men, 2017. Image courtesy the artist and Connersmith Gallery

L'exposition intitulée Fire Bill's Spook Kit met en exergue une lettre incendiaire publiée à deux reprises et sous deux formes différentes dans la presse américaine en 1919. La première version est parue dans le Belzoni Banner, un journal qui reprenait le discours ségrégationniste en vigueur au Mississippi dans l'immédiat après-guerre et la seconde a été publiée dans The Afro-American, un journal de la communauté noire édité à Baltimore (Maryland). La lettre, adressée à un shérif du Mississippi, est signée sous le pseudonyme de "Fire Bill". L'auteur y dénonce les lynchages perpétrés au cours du "Red Summer" (les 38 émeutes raciales qui ont secoué les Etats-Unis durant l'été 1919) et menace de "mettre le feu à l'Etat" et d'"empoisonner chaque cheval, chaque mule, et chaque vache" s'il n'est pas mis fin une fois pour toute à la violence à l'encontre des afro-américains. 

Dans une imposante sculpture intitulée Measures Not Men (2017), Wilmer Wilson IV sauve cet écrit de l'oubli en gravant les deux versions de la lettre sur l'envers et l'endroit d'une "paroi" longue de près de trois mètres. Ce monument rappelle les cénotaphes qui jalonnent les paysages de la région d'Ypres tout en imprimant dans la pierre la missive de Fire Bill. Réalisée à partir de l'accumulation de près de trois tonnes de blocs de sel de bétail, la sculpture permet à Wilmer Wilson IV de faire écho au bétail que Fire Bill menace d'empoisonner dans sa lettre... Une photographie (Study for Measures Not Men, 2017) qui figure dans le livre d'artiste publié à l'occasion de l'exposition, nous donne à penser, que, si elle devait être exposée dans un champs, cette sculpture en pierre de sel pourrait faire le bonheur des animaux d'élevage et se désintégrer à l'assaut de leurs coups de langue. 

Wilmer Wilson IV, Measures Not Men, 2017, salt blocks, aluminum, wood, 8 x 20 x 6.25 feet (96.5 x 236 x 75 inches, 245 x 600 x 190 cm). Installation view: Fire Bill's Spook Kit, In Flanders Fields Museum, Ypres, Belgium, through January 7, 2018. Ima…

Wilmer Wilson IV, Measures Not Men, 2017, salt blocks, aluminum, wood, 8 x 20 x 6.25 feet (96.5 x 236 x 75 inches, 245 x 600 x 190 cm). Installation view: Fire Bill's Spook Kit, In Flanders Fields Museum, Ypres, Belgium, through January 7, 2018. Image courtesy the artist and Connersmith Gallery

Le visiteur est encouragé à circuler autour de ce monument "éphémère" et, ce faisant, à découvrir de visu les divergences subtiles au niveau de la syntaxe et du contenu des deux versions de la lettre de Fire Bill. A défaut d'avoir retrouvé l'original de la missive, c'est l'interprétation que proposent les deux versions publiées de la lettre qui interpellent l'artiste... Il les confronte et les fait dialoguer entre elles dans le "va-et-vient" que le visiteur est invité à faire entre les deux faces gravées de l'oeuvre... La "face" qui correspond à la lettre publiée dans le Belzoni Banner est truffée de fautes d'orthographe ("Mississippi" est écrit "Missipy" et "mule", "mul"), une façon peut-être d'en décrédibiliser l'auteur. Comme l'explique l'artiste et écrivain Mashinka Firunts dans un essai repris dans le livre d'artiste: "En positionnant Fire Bill en dehors du domaine du langage officiel, le Banner espérait le déposséder de sa capacité à s'exprimer".

Toutefois, en dépit de la syntaxe approximative et des fautes d'orthographe, les caractères d'imprimerie de la lettre publiée dans le Belzoni Banner semblent avoir été gravés avec plus d'assurance. Wilmer Wilson IV a fait appel à un professionnel pour la "tailler" dans les blocs de sel alors qu'il a ciselé lui-même celle publiée dans The Afro-American. Par ce procédé, l'artiste traduit visuellement le parti-pris journalistique voir la partialité du discours véhiculé dans chacun des journaux. 

Wilmer Wilson IV, Measures Not Men (detail) 2017. Image courtesy the artist and Connersmith Gallery

Wilmer Wilson IV, Measures Not Men (detail) 2017. Image courtesy the artist and Connersmith Gallery

Wilmer Wilson IV, Untitled (Scarecrow) 2017, scarecrow, saltblocks, 98.5 x 40 x 7 inches (100 x 18 x 250 cm). Installation view: Fire Bill's Spook Kit, In Flanders Fields Museum, Ypres, Belgium, through January 7, 2018. Image courtesy the artist and Connersmith Gallery

Autour de la sculpture, des épouvantails trouvés dans les champs avoisinants sont suspendus à des structures métalliques qui reposent elles aussi sur des blocs de sel à lécher ((Untitled, (Scarecrow) 2017). Bien qu'ils n'aient aucun lien intrinsèque avec le propos de l'exposition, insérés dans ce contexte, les épouvantails rappellent les corps des noirs pendus aux branches des arbres dans le Sud des Etats-Unis et glacent par leur impact convaincant...

Le travail de Wilmer Wilson IV détourne des matériaux et des objets usuels auxquels l'artiste attribue d'autres significations en les incorporant dans ses oeuvres. A la lumière des récentes manifestations de suprémacistes blancs à Charlottesville (Virginie) cet été, l'exposition présentée au In Flanders Fields Museum n'en est que plus pertinente.



Wilmer Wilson IV, 'Fire Bill's Spook Kit', In Flanders Fields Museum, Grote Markt 34, 8900 Ypres, Belgique. Jusqu'au 7 janvier, 2018.

Copyright © 2017, Zoé Schreiber


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David Hockney Rétrospective, Centre Pompidou, Paris

Si le hasard de vos pérégrinations estivales devait vous mener à Paris, n'hésitez pas à vous rendre au Centre Pompidou pour y découvrir l'impressionnante rétrospective consacrée à l'œuvre de David Hockney. L'artiste est, du haut de ses 80 ans d'âge et de ses six décennies de pratique, le doyen de la scène artistique britannique et l'une des figures les plus populaires de la scène artistique contemporaine.

Sur une quinzaine de salles, l'exposition retrace chronologiquement les différentes étapes de sa vie et cartographie au fur et à mesure les différentes influences stylistiques qui ont forgé son œuvre. Le visiteur suit l’évolution picturale d’un artiste en quête perpétuelle de nouveaux moyens d'exprimer sa sensibilité artistique.

Sa pratique foisonnante et éclectique s’articule autour d’une réflexion sur sa perception du monde et sur les modes de production des images. Les 160 œuvres qui jalonnent le parcours témoignent de sa dextérité. L’artiste dévoile la diversité de son univers à coups de pinceaux dans de larges tableaux exécutés à la peinture à l’huile d'abord et à la peinture acrylique ensuite, dans des gravures, dans des esquisses à l’encre et au crayon mais aussi dans des papiers teintés dans la masse, dans des assemblages de Polaroïds, dans des installations vidéos et dans des expérimentations sur iPad... La visite met en évidence les thématiques qui lui sont chères: les piscines californiennes certes mais aussi ses autoportraits, les portraits des membres de sa famille et de ses proches, les paysages sauvages de l'ouest américain et ceux champêtres de son Yorkshire natal.

Pacific Coast Highway and Santa Monica, 1990 [Pacific Coast Highway et Santa Monica] Huile sur toile 198 x 305 cm © David Hockney Photo : Steve Oliver Collection particulière, États-Unis

Pacific Coast Highway and Santa Monica, 1990 [Pacific Coast Highway et Santa Monica] Huile sur toile
198 x 305 cm © David Hockney Photo : Steve Oliver
Collection particulière, États-Unis

Si la palette caractéristique de l'œuvre d'Hockney n'est pas apparente au début de sa carrière, ses toiles deviennent au fur et à mesure des années de plus en plus saturées de couleurs et une atmosphère lumineuse et solaire se dégage en fin de parcours.

Self Portrait, 1954 [Autoportrait] Collage sur papier journal 41,9 x 29.8 cm © David Hockney Photo : Richard Schmidt Bradford Museums and Galleries, Bradford

Self Portrait, 1954 [Autoportrait] Collage sur papier journal 41,9 x 29.8 cm © David Hockney
Photo : Richard Schmidt Bradford Museums and Galleries, Bradford

D’entrée de jeu, le visiteur comprend que les œuvres de jeunesse de David Hockney se situent au confluent de la figuration et de l’abstraction. Dans un de ses premiers autoportraits réalisé en 1954, l’étudiant du Bradford College of Art alors âgé de dix-sept ans, recompose sa silhouette excentrique de dandy en un collage de morceaux de papier colorés… Dans ses Love Paintings, peints pendant ses études au Royal College de Londres, il revendique son homosexualité sur la toile, homosexualité qui fera également l’objet d’une série de gravures réalisée après son premier voyage à New York (A Rake’s Progress, 1961-63).

Ses travaux font référence entre autres à Francis Bacon et à Jean Dubuffet, au Pop Art et à la peinture dite du champ coloré ("colorfield painting"), mais c'est l'influence de Pablo Picasso qui s’avérera la plus déterminante. Comme il l’explique: "il [Picasso] pouvait maîtriser tous les styles. La leçon que j’en tire c’est que l’on doit les utiliser tous."

Attiré par la qualité de la lumière et par l'hédonisme qui y règne, David Hockney s’installe à Los Angeles en 1964. La côte ouest des Etats-Unis devient alors le sujet et le décor des tableaux auxquels il doit sa renommée. C'est là que, pour citer Olivier Cena, le critique d'art du Télérama, "Hockney devient Hockney." Les salles suivantes permettent de découvrir de visu certaines de ses compositions les plus célèbres et les plus emblématiques.

La présence humaine n’est pas toujours explicitement représentée dans le décor et dans l'eau limpide de ses piscines, mais on la perçoit en filigrane, comme dans A Bigger Splash, 1967où Hockney capture de façon quasi-photographique les éclaboussures qui témoignent de l'instant décisif du plongeon d’un nageur.

A Bigger Splash, 1967 [Une gerbe d’eau encore plus grande] Acrylique sur toile 242,5 x 244 cm © David Hockney Collection Tate, London, purchased 1981

A Bigger Splash, 1967 [Une gerbe d’eau encore plus grande] Acrylique sur toile 242,5 x 244 cm © David Hockney Collection Tate, London, purchased 1981

David Hockney n’hésite pas à utiliser les avancées technologiques en matière de production et de reproduction des images pour développer ses recherches formelles. Au début des années 80, ses collages de polaroids (Joiners) abordent de façon presque cinématographique la notion de durée et introduisent une troisième dimension dans le cadre. Il fragmente l’image pour donner à voir, comme le cubisme avait pu le faire en peinture, une scène de plusieurs points de vues et pour évoquer le mouvement et le passage du temps...

Le parcours accorde une place importante aux œuvres plus récentes et nous montre comment Hockney a progressivement abandonné la perspective unique de la Renaissance et apprivoisé la "perspective inversée", théorisée par le mathématicien russe Pavel Florensky. Ce système optique multiplie les points de fuite et les place derrière le spectateur, l'englobant ainsi dans l’espace pictural représenté. Par ce biais, David Hockney nous propulse tour à tour à l'intérieur de sa demeure californienne, au bord de l’immensité saisissante du Grand Canyon et le long des chemins du Yorkshire. Les couleurs intenses rappellent parfois le fauvisme et les touches de pigments mauves, jaunes, rouges, verts, oranges et bleus semblent vibrer à la surface de certaines toiles.

Large Interior, Los Angeles, 1988 [Grand intérieur, Los Angeles, 1988] Huile, encre, papier collé sur toile 183,5 x 305,4 cm © David Hockney. Collection Metropolitan Museum of Art, New York, ourchase, Natasha Gelman gift, in honor of William S. Lieb…

Large Interior, Los Angeles, 1988 [Grand intérieur, Los Angeles, 1988] Huile, encre, papier collé sur toile
183,5 x 305,4 cm © David Hockney. Collection Metropolitan Museum of Art, New York, ourchase, Natasha Gelman gift, in honor of William S. Lieberman 1989

9 Canvas Study of the Grand Canyon, 1998 [9 études sur toiles du Grand Canyon] Huile sur 9 toiles 100 x 166 cm © David Hockney. Photo : Richard Schmidt Richard and Carolyn Dewey

9 Canvas Study of the Grand Canyon, 1998 [9 études sur toiles du Grand Canyon] Huile sur 9 toiles
100 x 166 cm © David Hockney. Photo : Richard Schmidt Richard and Carolyn Dewey

L'immersion est presque totale quand le visiteur se retrouve devant le monumental paysage intitulé Bigger Trees near Warter, 2007, une oeuvre qui se compose de 50 toiles et mesure plus de douze mètres de long.

Bigger Trees near Warter or/ou Peinture sur le motif pour le Nouvel Âge Post-Photographique, 2007 [Arbres plus grands près de Warter ou Peinture sur le motif pour le Nouvel Âge Post-Photographique, 2007] Huile peinte sur 50 toiles, 459 x 1225 cm © D…

Bigger Trees near Warter or/ou Peinture sur le motif pour le Nouvel Âge Post-Photographique, 2007 [Arbres plus grands près de Warter ou Peinture sur le motif pour le Nouvel Âge Post-Photographique, 2007] Huile peinte sur 50 toiles, 459 x 1225 cm © David Hockney Photo : Prudence Cuming Associates. Tate, Londres, presented by the artist 2008

Enfin, dans une des dernières salles et dans le souci permanent d’élargir sa "palette" et d'insuffler la vie à sa peinture et à son oeuvre, Hockney, après y avoir intégré la photographie, y intègre la vidéo et offre au regard le cycle des saisons sur des écrans juxtaposés (The Fours Seasons, Woldgate Woods, 2010-2011).

The Fours Seasons, Woldgate Woods, 2010-2011 (Spring 2011, Summer 2010, Autumn 2010, Winter 2010) [Les Quatre Saisons, Bois de Woldgate (printemps, 2011 ; été, 2010 ; automne, 2010 ; hiver, 2010)] 36 vidéos digitales synchronisées et présentées sur …

The Fours Seasons, Woldgate Woods, 2010-2011 (Spring 2011, Summer 2010, Autumn 2010, Winter 2010) [Les Quatre Saisons, Bois de Woldgate (printemps, 2011 ; été, 2010 ; automne, 2010 ; hiver, 2010)] 36 vidéos digitales synchronisées et présentées sur 36 moniteurs de 139 cm formant une seule œuvre 4 min 21 s © David Hockney. Collection de l’artiste

La rétrospective du Centre Pompidou nous fait plonger la "tête la première" dans l'univers protéiforme de David Hockney. Au fil de la visite, on se rend compte qu'à l'instar de ses paysages du Yorkshire, la carrière de cet artiste inclassable est une longue route sinueuse faite d'aléas et de tâtonnements, d'avancées et de remises en question... Comme le résume le commissaire d’exposition Didier Ottinger: "la force de David Hockney est de pouvoir se réinventer."

Nichols Canyon, 1980 Acrylique sur toile 213,5 x 152,5 cm © David Hockney Photo : Prudence Cuming Associates Collection particulière

Nichols Canyon, 1980 Acrylique sur toile 213,5 x 152,5 cm © David Hockney
Photo : Prudence Cuming Associates Collection particulière

 

David Hockney Rétrospective, Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou, 75004 Paris, France. Jusqu'au 23 octobre 2017.

Copyright © 2017, Zoé Schreiber

Robert Mapplethorpe, Galerie Xavier Hufkens

Robert Mapplethorpe, Self Portrait, silver gelatin print, 40.6 x 50.8cm, 1983. © Robert Mapplethorpe Foundation. Image courtesy: Galerie Xavier Hufkens.

Robert Mapplethorpe, Self Portrait, silver gelatin print, 40.6 x 50.8cm, 1983. © Robert Mapplethorpe Foundation. Image courtesy: Galerie Xavier Hufkens.

L’exposition éponyme Robert Mapplethorpe à la galerie Xavier Hufkens met en avant l’esthétique hautement stylisée du sulfureux photographe américain (1946-1989).

La quarantaine de clichés en noir et blanc retrace les différentes facettes de son parcours et est représentative du travail de ce maître de la photographie d'art. Les tirages argentiques au format carré sont accrochés en plusieurs séquences sans souci de chronologie ou de regroupement thématique et font écho au credo de l'artiste qui ne voyait pas de différence entre une fleur, un sexe ou un portrait... Les portraits de célébrités, d'amis, d'amants côtoient par voie de conséquence les clichés sado-masochistes et homoérotiques et les photos de fleurs et de natures mortes.

Robert Mapplethorpe, Galerie Xavier Hufkens, exhibition view. Image courtesy: Galerie Xavier Hufkens. Photo credit: Allard Bovenberg

Robert Mapplethorpe, Galerie Xavier Hufkens, exhibition view. Image courtesy: Galerie Xavier Hufkens. Photo credit: Allard Bovenberg

Dans un style précis et épuré, les œuvres présentées témoignent de la vie et de la nuit new-yorkaise des années 70-80. C'est dans "la ville qui ne dort jamais" qu'il rencontre sa muse et amie, la chanteuse Patti Smith et les principaux acteurs de la scène artistique et de l'underground gay de l'époque dont il tire le portrait à satiété. Sur les murs de la galerie, Patti Smith, 1986 croise le jeune Arnold Schwarzenegger, 1976, la championne du monde de culturisme Lisa Lyon, 1981, l’actrice Kathleen Turner, 1982, mais aussi le collectionneur Sam Wagstaff, 1978, mécène et amant de Mapplethorpe.

Robert Mapplethorpe, Galerie Xavier Hufkens, exhibition view. Image courtesy: Galerie Xavier Hufkens. Photo credit: Allard Bovenberg

Robert Mapplethorpe, Galerie Xavier Hufkens, exhibition view. Image courtesy: Galerie Xavier Hufkens. Photo credit: Allard Bovenberg

Les fleurs et les portraits figurent en bonne place tout comme les corps et les nus masculins dont la sensualité est mise en exergue. Photographiés en "plans resserrés" dans certaines des séquences, sexes, fesses, tétons, bustes et visages sont capturés par son objectif. L'exposition permet de rappeler, si besoin est, qu'en esthète, Robert Mapplethorpe s'attelait à exprimer sa vision de la beauté dans ses compositions. Comme il l'expliquait: "je recherche en permanence la perfection dans les formes. Je le fais avec les portraits. Je le fais avec les bites. Je le fais avec les fleurs."

Robert Mapplethorpe, Galerie Xavier Hufkens, exhibition view. Image courtesy: Galerie Xavier Hufkens. Photo credit: Allard Bovenberg

Robert Mapplethorpe, Galerie Xavier Hufkens, exhibition view. Image courtesy: Galerie Xavier Hufkens. Photo credit: Allard Bovenberg

Certaines des photographies remettent en mémoire les controverses que l'oeuvre de l'artiste a suscité. Robert Mapplethorpe a été l'un des premiers à avoir fait du corps de l’homme noir un sujet photographique à part entière et a inspiré d'autres artistes tels que son contemporain, le photographe britannique d'origine nigérianne Rotimi Fani-Kayode (1955-1989), pour ne citer que lui. Photographié souvent dévêtu, le sexe apparent, voire en érection, d'aucuns lui on reproché d'objectifier le corps masculin noir et de perpétuer ainsi l'iconographie raciste... Dans son installation intitulée Notes on the Margin of the Black Book (1991-93), l’artiste afro-américain Glenn Ligon établit un dialogue entre les photographies de Mapplethorpe, tirées du Black Book (1986), et les écrits d’intellectuels, de journalistes et de politiciens ayant commenté les photos en question.

En outre, le caractère explicite et érotique de certains de ses clichés a cristallisé dès 1989 les polémiques qui ont agité la société américaine ("Culture Wars"), certains sénateurs conservateurs et autres représentants de la classe politique appelant à la censure estimant que "cet art dégénéré" ne devait en aucun cas figurer dans des établissements bénéficiant de subventions publiques.

La scénographie de l'exposition est sobre et le visiteur peut s'imprégner de l'univers artistique de Robert Mapplethorpe, où beauté plastique rime avec érotisme. Pour celles et ceux désireux de continuer à explorer son œuvre, notons que jusqu'au 27 Août prochain le Kunstal Rotterdam lui rend hommage dans Robert Mapplethorpe : A Perfectionist, une rétrospective co-organisée en collaboration avec le musée d'art du comté de Los Angeles (LACMA) et le musée J. Paul Getty.

 

Robert Mapplethorpe, Galerie Xavier Hufkens, rue St-Georges 6, B-1050, Bruxelles, Belgique. Jusqu'au 20 juillet 2017.
 

Robert Mapplethorpe: A Perfectionist, Kunsthal Rotterdam, Westzeedijk 341, 3015 AA Rotterdam, Pays-Bas. Jusqu'au 27 Août 2017.

Copyright © 2017, Zoé Schreiber