Matthew Porter

En offrant au photographe américain Matthew Porter (né en Pennsylvanie en 1975 et new-yorkais d’adoption) sa première exposition personnelle en Belgique, la galerie Baronian Xippas nous invite à déambuler dans l’univers d’un artiste protéiforme. 

Intitulée Scenic, l’exposition se déploie dans les deux espaces de la galerie et met en lumière comment l’artiste repousse les limites du médium photographique à l’ère numérique. Son processus créatif s’articule autour de deux axes principaux: la recherche de stratégies narratives d’une part et l’expérimentation formelle des relations à l’espace et à la composition d’autre part. Il navigue librement entre la photographie argentique et numérique, le noir et blanc et la couleur, la figuration et l’abstraction.

Différentes facettes de son travail sont offertes à notre regard. Dans l’espace rue Isidore Verheyden, les paysages urbains se présentent sous un jour inattendu qui capte aussitôt l’intérêt et pique la curiosité... Les rues de San Francisco et de Los Angeles se métamorphosent sous nos yeux en rampes de lancement d'où décollent des voitures vintage, des bolides figés en plein air qui semblent suspendus en lévitation dans le ciel crépusculaire d’une ville endormie ou sur le point de s’éveiller. Les ”voitures volantes” de Matthew Porter, tout droit sorties de scènes mythiques de courses-poursuites de Starsky et Hutch ou du lieutenant-détective Bullit, rendent hommage au septième art et capturent l’état d’esprit et l’excitation que peut procurer la conduite d’une Mustang ou de toute autre voiture-phare des séries télévisées et des films des années 70-80. Point d’acteurs ni de repérage hollywoodien pour préparer le tournage... Les “muscle cars” que Matthew Porter met en scène dans ses images à l’esthétique pop et décalée, sont des voitures miniatures, des modèles réduits suspendus à un fil tels des marionnettes qu’il intègre ensuite numériquement dans des photographies de paysages urbains réalisées à la chambre photographique. Le vrombissement des bolides qui s’élancent dans le ciel est le fruit de photomontages. A l’instar des autres photographies à découvrir dans l’exposition, la subtilité du travail de post-production rend difficile de discerner la prise de vue spontanée de la mise en scène et de démêler la réalité de l’artifice, le “vrai” du “faux”.

Trois tirages emblématiques de "voitures volantes” côtoient les images d’une série inédite. Directement en prise avec l’actualité, les nouveaux clichés "réfutent l'atmosphère désinvolte et l’iconographie nostalgique de la série des voitures volantes”. On y croise des passants, des feux de signalisation, des femmes au téléphone… Ici, des oiseaux se reposent sur un lampadaire tandis que là, un piéton se promène à la lisière du cadre. 

Si les voitures volantes racontent la nostalgie et le rêve de liberté, de vitesse et de puissance qu’incarnent les cabriolets retro, la nouvelle série illustre la période difficile que nous traversons. Les images de "murs, de clôtures et de fils barbelés (…) font partie de notre cycle médiatique à l’heure du débat sur l’immigration et la crise migratoire à la frontière sud des États-Unis”, pour citer l'artiste. Certaines images, plus construites que d'autres, font penser à des dessins ou à des collages. Les oeuvres sont exposées comme autant d’arrêts sur images visant à créer une trame narrative évocatrice.

Scenic, Matthew Porter, galerie Baronian Xippas, exhibition view (33 rue de la Concorde), on view until 2 November 2019. Image courtesy Baronian Xippas

Scenic, Matthew Porter, galerie Baronian Xippas, exhibition view (33 rue de la Concorde), on view until 2 November 2019. Image courtesy Baronian Xippas

Une démarche similaire est mise en exergue dans une autre série d’images présentée dans l’espace rue de la Concorde. Matthew Porter y recrée un lieu fictif niché au milieu d’une nature luxuriante. Le ciel est sillonné d'avions et les habitations en forme d’igloo du Cap Romano semblent surgir ou s’enfoncer dans la mer. Rares sont les personnages et, à l’instar de la silhouette d’un homme qui plane comme par magie dans le ciel au dessus d’un navire de charge, certains détails insolites ne se révèlent que si l’on se rapproche de l'œuvre.

Les autres séries exposées illustrent ses recherches formelles. Dans deux tirages couleur de grand format, il emploie des procédés propres à la photographie argentique (superpositions, surexpositions, fuites de lumière) pour créer ses “tableaux” photographiques abstraits.

Enfin, dans un ensemble de photographies en noir et blanc, il documente et sublime les matériaux inutilisés qui jonchent le sol de l’atelier de sculpture de son père. Il dispose les différents fragments et crée ainsi des compositions contrastées inspirées du cubisme. L’angle de prise de vue rappelle celui d’une photographie aérienne et les matériaux les plus prosaïques se transforment en “topographies” architecturales…

Le corpus d'images que nous propose la Galerie Baronian Xippas illustre comment Matthew Porter interroge le médium photographique et comment son langage oscille entre poésie et fiction du réel.




Scenic - Matthew Porter, Galerie Baronian Xippas, 2 rue Isidore Verheyden & 33 rue de la Concorde. Jusqu’au 2 novembre 2019.

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Copyright © 2019, Zoé Schreiber


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