From here to eternity est l'ultime accrochage proposé par la Maison Particulière. Myriam et Amaury de Solages, le couple de collectionneurs qui nous ouvre les portes de leur "maison" depuis six ans, dresse un dernier "état des lieux" et nous invite, avant la fermeture définitive de leur centre d'art contemporain, à de nouvelles découvertes.
From here to eternity occupe les trois étages de la somptueuse maison de maître ixelloise et s'inspire librement de la Divine Comédie de Dante, le livre sélectionné par Victor Ginsburgh, l'invité littéraire. À l'instar de la trilogie éponyme, la visite commence en Enfer pour se poursuivre au Purgatoire avant de s'achever au Paradis. En gravissant ces "échelons" (à pied ou en empruntant le magnifique ascenseur vitré situé au cœur de la demeure), nous traversons symboliquement les "lieux" réinterprétés par l'artiste invité, l'italien Angelo Musco, et découvrons les œuvres des 19 artistes belges et internationaux qui contribuent eux aussi à la mise en scène.
La thématique choisie pour cette dernière exposition s'articule autour d'une réflexion sur l'éternité. Les "fresques" photographiques à la fois hypnotiques et morbides d'Angelo Musco servent de fil conducteur à la visite et nouent un dialogue avec les œuvres qu'elles côtoient. Les correspondances sont nombreuses mais je me contenterai ici de relever les proximités formelles qui m'ont interpellée tout en vous enjoignant à aller en chercher d'autres par vous-même. Le triptyque de céramiques de Rachel Kneebone (Remember that we... 2014) rappelle les "architectures corporelles" qui composent l'univers subaquatique de Tehom (2010), le tronc d'arbre aux "nervures" poétiquement retracées à la feuille d'or de Fabrice Samyn (From the olive tree garden #5, 2013) semble surgir de la forêt souterraine qui lui sert de toile de fond (Phloem, 2014) et la nuée de papillons du paravent de Claudio Parmiggiani fait écho à ceux qui se métamorphosent dans la vidéo Chrysalis (2016)... Les formations organiques de Musco, créées à partir du foisonnement de corps nus d'hommes et de femmes empilés, enlacés voire enchevêtrés les uns dans les autres, servent de paradigme aux rapports entre l’homme et la nature, entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, entre l'individuel et le collectif...
Au fil du parcours, on croise en Enfer un personnage fantomatique de Daniel Arsham, une céramique de Johan Creten qui semble repêchée des fonds marins adjacents et la tête anamorphosée du sculpteur Jaume Plensa. Au Purgatoire, l'impressionnante installation de Michel François renvoie, par sa fragilité, à l'équilibre précaire de l'existence.
Dans un des salons du Paradis, le cycle de la vie est évoqué, entre autres, par une vidéo de Charles Sandison dont l'algorithme compose et recompose à l'infini le visage d'un nouveau-né, par une figure allongée à même le sol d'Antony Gormley et par un masque mortuaire chinois (907-1125).
Enfin, Ivan Navarro nous attire vers le gouffre vertigineux de son "puit" en brique éclairé au néon et la sublime installation lumineuse de James Turrell nous invite à méditer sur les thèmes existentiels soulevés par l’accrochage...
Si l'exposition inaugurale de la Maison Particulière en avril 2011 (Origines(s)) posait la question des sources et du commencement, la dernière exposition From here to eternity nous interroge sur la continuité et la pérennité... A l'issue de la visite, on ne peut que se remémorer le constat de l'artiste belge Xavier Mary: "rien n'est éternel, mais tout répond de l'éternité."
'From here to eternity', Maison Particulière, 49 rue du Chatelain, B-1050, Bruxelles, Belgique. Fermeture définitive le 30 Avril 2017.
Copyright © 2017, Zoé Schreiber