The Path to Enlightenment, Galerie Michel Rein

L'antenne bruxelloise de la Galerie Michel Rein nous emmène avec brio jusqu'au 23 décembre prochain sur le "chemin vers l'éveil" (The Path to Enlightenment).

L'exposition, réalisée en collaboration avec le collectionneur et marchand d'art asiatique Didier Delville, met en relation des objets traditionnels japonais avec le travail d'artistes représentés par la galerie parisienne. La juxtaposition spatiale d'objets usuels et de sculptures du passé à des oeuvres actuelles permet de mieux comprendre l'influence artistique de l'archipel nippon sur la création contemporaine. Beauté, poésie et harmonie sont conviées dans cette évocation du Japon.

The Path to Enlightenment, vue de l'installation.

The Path to Enlightenment, vue de l'installation.

The Path to Enlightenment fait référence au livre éponyme écrit par le Dalaï Lama. Deux statues bouddhistes se font face dans l'espace de la galerie. L'une d'entre elles représente un Jizo Bosatsu au visage enfantin qui porte un regard bienveillant sur le visiteur. Cette pièce date du XVI ème siècle. Il s'agit de l'oeuvre la plus ancienne de l'exposition et, à l'instar du très grand paravent décoré à la feuille d'argent qui longe l'un des murs de la galerie, elle est non restaurée. Deux sceptres utilisés par les maîtres Zen au Japon (nyoi), une boîte à sûtra en laque rouge et un large bol en métal d'une légereté aérienne que les moines utilisaient d'antan pour mendier leur nourriture font partie de la sélection d'objets présentés.

Jizo Bosatsu, XVI ème siècle

Jizo Bosatsu, XVI ème siècle

La visite de la galerie m'a fait penser à L'éloge de l'ombre, le manifeste de 1933, de l'écrivain Junichirô Tanizaki dans lequel il défend l'esthétique japonaise et la philosophie wabi-sabi et explique que "contrairement aux occidentaux qui s'efforcent d'éliminer radicalement tout ce qui ressemble à une souillure, les extrême-orientaux la conservent précieusement et telle quelle, pour en faire un ingrédient du beau."

Le fil conducteur reliant les oeuvres entre elles réside dans leur simplicité, leur modestie et leur style épuré. La surface de certains objets anciens, marquée par la patine du temps, rappelle qu'au "pays du Soleil-Levant", périphrase à laquelle fait brillamment allusion Franck Scurti dans son duo de sculptures en laiton, le beau est à trouver aussi et principalement dans l'imperfection.

The Path to Enlightenment, vue de l'installation.

The Path to Enlightenment, vue de l'installation.

L'idée de l'exposition est née de la juxtaposition intiale d'un paravent miniature en bambou datant de la période Edo (XIX ème siècle) à une peinture de l'artiste contemporaine japonaise Yayoi Kusama. Le tracé du paravent rappelle formellement le quadrillage du motif en pointillés colorés de Kusama...

The Path to Enlightenment invite l'oeil à comparer les oeuvres mises en présence et le "dialogue" proposé par les curateurs est convaincant. 

A titre d'exemple, la sculpture argentée de l'artiste français Didier Marcel tend la main à l'arbre dessiné à l'aquarelle par le plasticien japonais Tadashi Kawamata dans la maquette de ses Tree Huts (cabanes en bois installées à Bruges dans le Jardin du Béguinage lors de la Triennale d'art contemporain et d'architecture de 2015) dont le tronc semble être en lévitation dans les excroissances en bois patiné reconverties en tables d'appoint par Didier Delville...

L'oeuvre de l'artiste belge Sophie Whettnall est la seule qui ait expressément été créée pour l'exposition et le paysage imaginaire qu'elle propose répond à celui de l'exploration intérieure de Yayoi Kusama et aux montagnes de Christian Hidaka. Le désir d'introspection se retrouve aussi dans le travail mélancolique de Franck Christen et, pour ne rien vous cacher, la photographie de son pavé tokyoïte tapissé de fleurs est mon coup de coeur...

2016 marque l'anniversaire des 150 ans de relations diplomatiques entre la Belgique et le Japon. Avec The Path to Enlightenment, la Galerie Michel Rein apporte sa touche toute personnelle au contexte culturel commémoratif et je vous invite à aller la découvrir. D'autres institutions mettent elles aussi l'art japonais à l'honneur dans leur programmation et je me contenterai ici de vous mentionner l'exposition de BOZAR (A Feverish Era in Japanese Art: Expressionism in the 1950's and 1960's), celle du Musée du Cinquantenaire (Ukiyo-E: Les plus belles estampes japonaises) et enfin celle de la Fondation Boghossian (Seeing Zen).


Galerie Michel Rein, 51A rue Washington, B-1050 Bruxelles. Jusqu'au 23 Décembre.

Copyright © 2016, Zoé Schreiber, texte et images

Léopoldine Roux, 'From Brussels with love', Maison des Arts de Schaerbeek

La Maison des Arts de Schaerbeek accueille, jusqu'au 10 décembre prochain, l'exposition de Léopoldine Roux, une artiste française basée à Bruxelles. Intitulée From Brussels with love, cette exposition permet non seulement de découvrir le travail poétique et ludique de l'artiste mais aussi le lieu qui lui sert d'écrin "coloré" avant sa fermeture pour rénovation en 2017.

Dans le vestibule de la vaste demeure, le visiteur est accueilli par deux imposants cadres en bois que Léopoldine Roux a trouvé in situ et dans lesquels elle a installé une trentaine de cartes postales d'époque glanées sur des marchés aux puces ou issues de correspondances familiales. Elle est intervenue sur chacune d'entre elles en sublimant le noir et blanc des lieux touristiques bruxellois par des "traces" de couleur réalisées au vernis à ongles. L'intitulé de l'exposition From Brussels with love renvoie au recto des cartes, rappelant ainsi leur fonction première et les messages qu'elles recèlent. La variation des interventions de l'artiste est étonnante: un camaïeu de jaune enjolive un arbre du Parc Josaphat tandis qu'une colonne lignée rose et blanc recouvre partiellement le monument au soldat inconnu et que le Palais de Justice se décline façon "pièce montée" couleur pastel...

Léopoldine Roux, From Brussels with love

Léopoldine Roux, From Brussels with love

Léopoldine Roux, From Brussels with love

Léopoldine Roux, From Brussels with love

Léopoldine Roux, From Brussels with love

Léopoldine Roux, From Brussels with love

Léopoldine Roux parvient à tisser le lien entre l'intime (la carte postale et le vernis à ongles) et l'espace public. Le geste et les moyens sont minimes mais ils sont empreints de sens et de poésie. En apposant sa marque de fabrique sur les cartes postales, l'artiste donne un nouveau souffle à l'image. En intervenant sur le paysage urbain du passé, elle amène le visiteur à imaginer ce que ces interventions "fictives" pourraient donner si elles étaient transposées dans la "réalité". Et c'est d'ailleurs ce que Léopoldine Roux nous invite à faire dans le jardin de la Maison des Arts en traduisant grandeur nature le travail proposé à petite échelle... Le résultat est surprenant et, sans vous ôter le plaisir d'aller le découvrir, je me contenterai de vous dire que la rhapsodie se décline en bleu... 

From Brussels with Love, vue de l'exposition.

From Brussels with Love, vue de l'exposition.

Dans trois des cinq salles de l'exposition, on découvre des portraits de personnalités locales réinterprétés mais aussi des coulées de peinture (Colors Escaped) et les Pot(e)s d'ateliers de l'artiste, des travaux en trois dimensions exposés dans la salle à manger (dite "salle Renaissance") et dans le grand salon. Par le biais des coulées, Léopoldine Roux donne littéralement corps à la peinture. Leur installation dans la salle Renaissance est particulièrement réussie dans la mesure où leurs couleurs pop se démarquent à merveille des lambris sombres et surchargés qui ornent les murs de la pièce. Avec la série Colors Escaped, l'outil de création devient le sujet, une sculpture de peinture qui "coule", un instant qui fige à jamais dans l'espace l'écoulement du temps et de la matière.

Léopoldine Roux, Color Escaped dans la salle Renaissance de la Maison des Arts de Schaerbeek.

Léopoldine Roux, Color Escaped dans la salle Renaissance de la Maison des Arts de Schaerbeek.

Les Pot(e)s d'atelier forment un parterre de sculptures personnifiant avec humour les outils d'ateliers qui, tels des totems, sont les témoins silencieux du processus créatif. Ici aussi, la fonction première de l'objet est modifiée... Les pots deviennent des objets décoratifs, des "potes" dont la forme anthropomorphique rappelle les poupées d'Alexis Girard.

Lépoldine Roux, Pot(e)s d'atelier

Lépoldine Roux, Pot(e)s d'atelier

Autre sensation dans la bibliothèque où deux gigantesques tableaux se font face et se "promènent" en déployant leur "verdoyance" exubérante et multicolore... Face à ses toiles frontales, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur le comment de leur réalisation et d'imaginer le mouvement du pinceau de l'artiste qui déposerait à l'infini ses pointillés par un mouvement de va-et-vient presque viscéral.

Léopoldine Roux, Promenades, détail.

Léopoldine Roux, Promenades, détail.

La visite de l'exposition m'a remémoré le travail du suisse Ugo Rondinone qui, à l'inverse de Léopoldine Roux, insère quant à lui ses monumentales sculptures colorées dans des paysages existants, dans des paysages de "carte postale". Les Seven Magic Mountains déposées dans le désert du Nevada et l'installation qui vient d'être inaugurée au Bass Museum à Miami à l'occasion d'Art Basel illustrent mon propos...

Ugo Rondinone, Seven Magic Mountains, 2016.

Ugo Rondinone, Seven Magic Mountains, 2016.

Dans le livret qui accompagne l'exposition Léopoldine Roux résume parfaitement sa démarche qui consiste à "mettre en place des processus de création simples pour répondre à la question 'comment peindre'". 

Maison des Arts de Schaerbeek, Chaussée de Haecht 147, 1030 Schaerbeek, Bruxelles. Jusqu'au 10 Décembre 2016.

Copyright © 2016, Zoé Schreiber


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August 17, 2020 / Zoé Schreiber

 

Picasso. Sculptures, BOZAR

When I read Roberta Smith's review (New York Times' co-chief art critic) of the 2015 Picasso Sculpture exhibition at the MoMa, which she praised as being "one of the best exhibitions you'll ever see at the Museum of Modern Art", I wished I could go see it. At the time, I had just moved to Glasgow and a trip to New York was definitely not on the cards. In 2016, the exhibition was hosted at the Musée Picasso in Paris and, although I was now in Europe, I couldn't visit it either. My third attempt was proverbially lucky as Picasso. Sculptures ultimately traveled to me and is now on view in Brussels at the BOZAR/Center For Fine Arts, the Belgian location for the show's third dazzling iteration.

As suggested in the eponymous title, Picasso. Sculptures gives an insight into the prolific Spanish painter's lesser known three-dimensional works. First of a kind in Belgium, this large exhibition is organized both chronologically and thematically and unfolds across eleven dedicated rooms.

About eighty of Pablo Ruiz Picasso's sculptures are on display in the Belgian edition. The Brussels' show differs from the ones in New York and in Paris most notably in its inclusion of fifteen of Picasso's paintings. The sculptures are also shown alongside African masks and miniature Iberian bronze figures from Picasso's personal collection and beside his own ceramics. Céline Godefroy's and Virginie Perdrisot's curatorial decision to pair Picasso's sculptures with the above-mentioned works stresses the influence that African and Iberian art had on the artist (who first discovered them in 1906-1907) and incites the viewer to pay attention to the formal parallels, singularities and cross-references between the various artworks on display. These combinations lay the ground for a unique, informative and pro-active viewing experience.

Upon entering the exhibition, the visitor is greeted by Bust of a Woman (1931), a frontally displayed cement sculpture whose expressive engraved eyes seem to look right through you. The bust is positioned on a large rectangular plinth in the center of the room and the viewer is forced to circle around the sculpture in order to proceed with her/his visit. As one walks around it, the bust's frontal female face becomes a profile, a three-dimensional quasi-rendering of the bust depicted in The Sculptor, an oil painting on board from the same year, portraying an artist in his studio, hung on the opposite wall. This introductory pairing sets the tone for the rest of the exhibition where the viewer is encouraged to engage with the works from multiple viewpoints, to actively shift her/his perspective in order to absorb the sculptures' volumes and to draw connections between painting and sculpture as her/his eye gleefully jumps from representations in three and in two dimensions.

The emphasis of the show is on Picasso's multi-faceted and inventive approach to a medium that he never trained for. The sculptures span from 1902 (Femme Assise) to the 1960s. As one progresses chronologically through the rooms, one follows the evolution of the painter's experiments with the medium as he acquires new techniques. I was struck by the variety of materials used by the artist in his constant search for new forms. The sculptures brought together range from being modeled in bronze to being carved in wood (Figure, 1907) to becoming assemblages of painted metal hung on the wall similarly to a painting (Violin, 1915) or to incorporating "ready-made" objects such as a strainer (Woman Head, 1931) or a seat and handlebar made of leather in Bull's Head (1942).

Picasso, Woman Head (1931)

Picasso, Woman Head (1931)

While Picasso's first experiments in three dimensions are figurative, the painter's cubist breakthroughs are progressively transferred into his sculptures, which become more akin to deconstructed "drawings in space". In cutting through the block of material he uses, Picasso allows his sculptures to stand in relationship to the space rather than simply in it (Figure, 1928). The bold black lines in his paintings translate into sculptures of void and transparency.

Picasso, Figure (1928)

Picasso, Figure (1928)

My personal highlights include the works Picasso made in his Boisgeloup studio, the ceramics that he painted over at the Atelier Madoura in Vallauris in the South of France and his playful sculptures in painted iron and sheet metal.

Picasso, Head of a Woman (1962)

Picasso, Head of a Woman (1962)

Picasso. Sculptures is a welcome opportunity to discover the three-dimensional work of one of the foremost painters of the 20th century and to gain insight into the interrelationships between his sculpture and his painting.

 

Picasso. Sculptures, BOZAR/Center for Fine Arts, Rue Ravenstein 23, 1000 Brussels, Belgium. On view until March 5, 2017.

Copyright © 2016, Zoé Schreiber

"Notre Congo/Onze Kongo", la propagande coloniale belge dévoilée, ULB

"Notre Congo/Onze Kongo", la propagande coloniale belge dévoilée est une exposition itinérante organisée par l'ONG CEC (Coopération par l'Education et la Culture).

Cette exposition est le fruit des recherches effectuées par Julien Treddaïu du CEC en collaboration avec l'historien Elikia M'Bokolo. Présentée pour la première fois en 2014 au Musée BELvue à Bruxelles, elle a depuis voyagé dans plusieurs autres villes, tant en Belgique qu'en France (notamment à Liège et à Lille).

Comme l'indique son intitulé, l'exposition se penche sur l'impact et sur l'étendue de la propagande coloniale déployée par le roi Léopold II pour le compte de l'Etat Indépendant du Congo (1885-1908) d'abord et par l'Etat Belge (1908-1960) ensuite.

"Notre Congo/Onze Kongo" propose une vaste sélection de documents graphiques, audiovisuels et sonores du temps de la colonie. Les organisateurs ont mis un point d'honneur à attirer l'attention du visiteur sur le pouvoir des images pour influer sur les mentalités. Comme le souligne le guide du visiteur: "L'image a été un élément fondamental dans la diffusion de l'idéologie coloniale tout au long du XXe siècle (...) A l'heure où les images sont omniprésentes et digérées de plus en plus rapidement, il apparaît essentiel de prendre le temps de les "redécouvrir" et de réfléchir à leur influence à travers le temps".

Vue de l'exposition ("Le Congo des manuels scolaires" et "vestiges et monuments").

Vue de l'exposition ("Le Congo des manuels scolaires" et "vestiges et monuments").

Le parcours, véritable cartographie des mentalités, des mythes et des stéréotypes de l'époque, est installé par thèmes dans trois salles. La première salle est consacrée à un documentaire qui contextualise les documents présentés. Ce documentaire introductif, narré par Elikia M'Bokolo, retrace les grandes étapes de l'histoire de la colonisation belge. Les salles suivantes présentent d'anciens manuels scolaires, des jeux pour enfants, des cartes géographiques, des affiches publicitaires et de cinéma, des objets de consommation, des cartes postales, des maquettes de monuments commandités par l'Etat et des objets d'art véhiculant des clichés sur le Congo et sur les congolais.

Vue de l'exposition ("noirauds et charité").

Vue de l'exposition ("noirauds et charité").

Le Congo est devenu "notre" Congo par le biais d'une campagne de propagande massive mise en oeuvre par l'Etat, l'Eglise et les entreprises coloniales. Cette campagne martelait de manière systématique les mêmes messages et les mêmes images afin de faire accepter le fait colonial et de forger l'inconscient collectif et l'imaginaire de toute une population.

Un "mur interactif" invite les plus curieux à choisir, dans une banque de données, les archives sonores ou audiovisuelles complémentaires qu'ils souhaitent consulter. Etant donné que la propagande coloniale s'est immiscée dans tous les pans de la société, un effort de concentration est nécessaire pour comprendre la portée de l'exposé. "Notre Congo/Onze Kongo" s'évertue à déconstruire les mythes fondateurs de la colonisation (comme le "progrès" et la "civilisation") et incite le visiteur à faire de même. Des panneaux informatifs et des frises chronologiques émaillent l'espace et proposent des "arrêts" sur certaines images pour en permettre une lecture iconographique. L'exposition encourage le visiteur à prêter attention aux codes de représentation des images. Qui est représenté? Comment et à quelles fins? Quels sont les messages véhiculés et à qui s'adressent-ils?

En outre, et à titre d'exemple, les documents relatifs à l'effort de guerre des congolais lors des deux guerres mondiales ainsi que le buste du premier universitaire congolais, Paul Panda Farnana, mettent en lumière des épisodes et des personnages trop souvent marginalisés dans l'histoire de la colonisation.

Vue de l'exposition (documents relatifs à l'effort de guerre des congolais lors des deux guerres mondiales).

Vue de l'exposition (documents relatifs à l'effort de guerre des congolais lors des deux guerres mondiales).

Buste de Paul Panda Farnana, Guillaume Charlier.

Buste de Paul Panda Farnana, Guillaume Charlier.

L'intérêt de l'exposition réside également dans sa capacité à entrelacer l'histoire de la Belgique à celle du Congo en montrant "comment les belges ont conçu, et ce pendant plus de quatre-vingts ans, leur rapport à l'autre en entretenant mythes et stéréotypes, souvent éloignés de la réalité". En fin de visite, les peintures populaires des congolais Tshibumba Kanda-Matulu et de Chéri Samba "dialoguent" avec une sélection d'oeuvres d'artistes belges, et proposent une autre lecture du fait colonial. Comme le souligne Elikia M'Bokolo: "Si la cible de la propagande coloniale a été la société belge dans ses différentes composantes, les congolais ont aussi été visiblement à leur tour façonnés par cette propagande".

Vue de l'exposition ("peinture populaire").

Vue de l'exposition ("peinture populaire").

Matongue Porte de Namur! Porte de l'Amour? Cheri Samba.

Matongue Porte de Namur! Porte de l'Amour? Cheri Samba.

"Notre Congo/Onze Kongo" s'inscrit dans le sillage de la critique postcoloniale qui, pour citer le théoricien Achille Mbembe, s'efforce de "déconstruire la prose coloniale, c'est-à-dire le montage mental, les représentations et formes symboliques ayant servi d'infrastructure au projet impérial". En rayant l'adjectif "notre" et en le remplaçant par l'adjectif "votre", les organisateurs s'insèrent dans une logique de déconstruction de l'inconscient collectif lié au Congo, source, aujourd'hui encore, de stéréotypes et de discriminations.

Affiche de l'exposition.

Affiche de l'exposition.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient approfondir la problématique, le CEC propose un programme d'activités organisées autour de "Notre Congo/Onze Kongo". J'ai eu l'occasion d'assister, dans le courant du mois d'octobre, aux très intéressants "Colonial Tours", proposés par le Collectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations (CMCLD). Ces "promenades" permettent de visiter, sous la houlette d'un guide, les vestiges de la colonisation qui essaiment l'espace public et urbain bruxellois. Des conférences et autres évènements sont prévus d'ici la fin du mois de décembre. Avant de conclure, je tiens à attirer votre attention sur le fait que vous pouvez aller visiter au Bozar et ce jusqu'au 22 janvier 2017, l'exposition Congo Art Works: Peinture Populaire organisée par l'artiste Sammy Baloji et l'anthropologue Bambi Ceuppens et, jusqu'au 23 décembre, l'exposition sur Les zoos humains: L'invention du sauvage à la Cité Miroir à Liège.

 

"Notre Congo/Onze Kongo", la propagande coloniale belge dévoilée, Salle Allende, ULB, campus Solbosch (bât F1) - 22-24, Av. Paul Héger, 1050 Bruxelles, Belgique, jusqu'au 17 décembre.

Copyright © 2016, Zoé Schreiber